Romanzo Criminale : le résumé et la critique
Dans Romanzo Criminale de Giancarlo De Cataldo : le Libanais, le Froid, le Dandy, le Buffle, Patrizia : une belle brochette de malfrats a fait main basse sur Rome à la fin des années 1970. Pendant vingt ans, la « bande de la Magliana » mettra la capitale en coupe réglée. Loge P2, terrorisme noir, assassinats, corruption de politiciens, services secrets – rien ne lui échappe. Un roman épique passionnant sur l’une des plus puissantes organisations criminelles jamais démantelées en Italie.
Édition Métailié, 2007
Traduit de l’italien par Catherine Siné et Serge Quadruppani
588 pages
Notes : 4.3 sur 5
À propos de l’auteur : Romancier, dramaturge, essayiste, scénariste, Giancarlo De Cataldo est aussi magistrat à Rome depuis 1973. En parallèle, il collabore également pour des journaux tels que La Gazzeta del Mezzogiorno, Il Messaggero, Il Nuovo et Paese Sera. En 1989, il publie un premier roman intitulé Nero come il cuore, puis un deuxième en 2002, Romanzo Criminale qui remporte un franc succès. La suite de ce livre est publié en 2007 sous le titre « Nelle mani giuste », « La saison des massacres » en français. Romanzo Criminal est adapté au cinéma par Michele Placido en 2006.
Mon avis sur le livre
Romanzo Criminal est une belle plongée dans la Rome des « années de plomb ». Dans une ambiance romanesque et noire, l’auteur nous jette sans vergogne dans la gueule de mafieux italiens carriéristes et sans scrupules. Il nous raconte les meurtres, l’odeur du sang et de la poudre sur le pavé, la corruption, l’amour, la convoitise, la folie des grandeurs et la prison. Giancarlo de Cataldo réussi la critique d’un système judiciaire peu scrupuleux que l’on arrive à détester et parvient à nous faire aimer cette petite bande de tocards qui parvient à ses fins.
Ce roman policier est un livre assez long, mais très entraînant dans un rythme soutenu. C’est un polar, semi-historique racontant les mésaventures de la Banda della Magliana à la fin des années 70. L’auteur dresse ainsi le portrait de la société italienne à un moment de son évolution politique et historique. C’est donc un roman sociologique par sa manière de s’immiscer au plus profond d’une histoire secrète et des comportements humains. Je vous dis pourquoi j’ai adoré !
Diviser pour mieux régner : de la légèreté aux ténèbres
Voici notre point de départ : une bande d’amis, un rêve de domination, une envie de sortir du rang. Le tout à Rome dans le chaos des années 70-80, un excellent contexte socio-politique pour qui veux s’enrichir malhonnêtement. Les brigades rouges sèment la terreur, l’attentat de la gare de Bologne traumatise la population, l’enlèvement d’Aldo Moro mobilisent les forces de l’ordre dans une Italie tiraillée entre fascisme et communisme.
Ils se connaissaient depuis toujours. Ils avaient formé ensemble une bande de gosses, et maintenant ils étaient juste une petite équipe.
Un groupe de petits délinquants (pour ne pas dire « bons à rien ») montent un gros coup. Ces nouveaux hommes d’affaires s’appellent le Froid, le Buffle, le Libanais et le Dandy. Ils risquent tout sur un coup de poker et réinvestissent l’argent récolté dans un pot commun pour financer des actions de plus grande envergure. C’est le début d’une organisation criminelle qui sévira à Rome dans le milieu florissant du trafic de drogue partagé entre la Camorra et la N’drangheta.
Une entreprise familiale à succès jusqu’à la désagrégation
De pas-grand-chose, sinon des gamins animés par un rêve de grandeur, notre petit groupe d’entrepreneurs à succès devient une organisation complexe et ramifiée à la conquête de Rome. Bientôt, ils contrôlent tout et s’imposent une discipline de fer pour faire plier la concurrence et les traîtres. C’est fascinant de réalisme.
Les rôles sont distribués entre les gestionnaires, financiers, leaders, exécuteurs et têtes pensantes. Ils promulguent leurs propres lois pour qui ne respecte pas l’ordre établi et impose un code d’honneur. Paradoxalement, on fini par éprouver une forme d’admiration pour ce groupe de mafieux déshumanisés sans pour autant s’attacher à l’un au l’autre tant ils sont caricaturaux.
Jeu, drogue, proxénétisme, racket, violence, règlement de compte, rodéo, prison, corruption, blanchiment, intimidations, jalousie et trahison…
De l’extorsion de fonds au terrorisme, en passant par les enlèvements et les exécutions sommaires, l’auteur nous raconte la vie d’une famille un peu particulière avec sa hiérarchie, ses conflits, ses rivalités et ses exécutions… Jusqu’à la fin du livre, le concept de loyauté est malléable malgré les codes d’honneur.
Forces et faiblesses des hommes au sang-chaud
Sans vraiment pouvoir s’identifier à l’un ou l’autre des personnages, Giancarlo de Cataldo fait pourtant une étude attentive, presque théâtrale, des sentiments, des personnalités et des forces et faiblesses de chaque personnage.
Stratège, intelligent, placide, amoureux, malin, ambitieux, réactif, brutaux, sanguinaire, froid, implacable, amoureux, exubérant, énigmatique, vieu fou…
Il nous décrit un monde d’hommes durs aux nombreuses faiblesses. C’est une histoire d’amitiés défaites et de trahison sur fond de besoin de reconnaissance. Enfin, c’est aussi une histoire d’amours impossibles au pluriel : prostituée, mère, amourette ou passion dévorante… Promis, je ne vous dirais rien … mais cela implique aussi une belle étudiante en Histoire de l’art… En cela, Romanzo Criminale nous raconte très bien le sens du sacrifice, le prix du sang et de la mort qui reste la seule justice impartiale dans cette histoire…
Une histoire sanglante, envoûtante et triste
Habituellement, je ne suis pas particulièrement porté sur le genre polar/mafioso, mais ce livre a changé ma vision des choses. Dans la lignée de Gomorra ou du film Suburra, ce roman pousse à l’ouverture d’esprit en nous racontant une autre facette de la ville éternelle et de la mafia romaine.
Il raconte une histoire dense et torturée entre violence et amour dans un refus total de manichéisme. On y découvre la vie pitoyable de bandits en quête d’avenir. Et comme si cela ne suffisait pas, l’auteur malmène aussi les puissants et les impuissants, les idéalistes qui veulent faire éclater la vérité et les plus pragmatiques qui vivent pour s’enrichir. Du commissaire aux dents longues aux hautes sphères de l’état, l’auteur interroge sur quand et comment il faut fermer les yeux.
Des caniveaux jusqu’aux hautes sphères de l’État, Romanzo Criminale dresse un portrait réaliste. Il critique la moralité douteuse de certains représentants de l’ordre, le laxisme ambiant et le code d’honneur élastique des mafieux sur fond de querelle politique et de conflits d’intérêt. C’est un livre qui fait réfléchir, pas toujours facile à lire, mais fascinant.
Je le veux au format papier ou ebook

Extrait de Romanzo Criminale de Giancarlo de Cataldo, p.13 :
Recroquevillé entre deux voitures garées, il attendait le coup suivant en essayant de se protéger le visage. Ils étaient quatre. Le plus méchant était le petit morpion, avec un cicatrice de coup de couteau en travers de la joue. Entre deux assauts, sur son portable, il échangeait des répliques avec sa nana : la chronique du tabassage. Par chance, ils cognaient à l’aveuglette. Pour eux, c’était juste une bonne partie de rigolade. Il pensa qu’ils auraient pu être ses fils. A part le black, bien sûr. Des petits loubards. Il pensa que, quelques années plus tôt, rien qu’à entendre son nom, ils se seraient tiré dessus eux-mêmes, plutôt que d’affronter sa vengeance. Quelques années plus tôt. Quand les temps n’avaient pas encore changé. Un instant fatal de distraction. Le brodequin clouté le cueillit à la tempe. Il glissa dans le noir.
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