Le Doctorat : diplôme national et grade universitaire le plus élevé. Il exige la rédaction d’une thèse sous la direction d’un professeur des universités, tout en prenant part à des colloques et formations doctorales, puis donne lieu à la soutenance de cette thèse. C’est ce que nous dit le Larousse, mais que dire de l’expérience elle-même ?
Au-delà de cette définition, le doctorat est le défi d’une vie. C’est une expérience au quotidien : on dors doctorat, on mange doctorat, on vit avec son sujet de thèse en toile de fond. Il est donc difficile de ne pas se décourager sur le long terme.
Alors, derrière l’image de l’Indiana Jones ou du rat de bibliothèque, se cache bien souvent une passion et une envie professionnelle définie, celle de devenir enseignant et/ou chercheur.
Vous trouverez beaucoup d’articles définissant le doctorat, du plus administratif au plus émotionnel. Je vous propose d’en comprendre le fonctionnement et ses finalités comme expérience humaine.
Pourquoi se lancer dans une thèse ?
Le doctorat est un moment intense qui demande beaucoup de travail. Recherche, analyse, rédaction, séminaire, colloque, séjours d’étude, charges de cours, publications, formations doctorales… ce sont autant de travaux qui requièrent une attention particulière en plus de notre sujet de thèse. Du coup, pendant la thèse, à peu près tous les sentiments bons comme mauvais se mélangent et ça prend parfois la tête…
Du sang, des larmes et de la sueur…
C’est ce que mon directeur de recherche avait l’habitude de dire lors de son premier entretien pour définir l’expérience. Et c’est vrai. La thèse rythme notre quotidien pour les 4 ou 5 années suivant notre inscription, surtout en Sciences Humaines. C’est donc quelque chose qui se pense en amont et doit être pensé stratégiquement… doublé d’un cursus peut-être plus pro’…
Plus qu’un exercice académique, le doctorat est un moment de vie.
Quelques mois après sa soutenance, une thèse évoque surtout de la fierté. Celle d’avoir fait quelque chose dont on se pensait peut-être pas capable et celle d’être docteur(e).

Le travail du doctorant est-il visible ?
Le travail de thèse est en grande partie invisible jusqu’à son impression. Il ne se limite pas non plus à la simple réalisation de la thèse. Il faut participer à des colloques pour se faire connaître, pour montrer ce que l’on fait, voire tester nos hypothèses. Les charges de cours sont obligatoires, pour l’expérience, mais aussi pour à la fin pouvoir être qualifié.e. Bref, pour se forger un ‘après’, il faut faire pas mal de choses visibles ou invisibles qui sont liées de près ou même de loin à notre travail de thèse.
En thèse, on développe de nombreuses compétences. C’est riche et varié : apprendre à rédiger, à analyser, à se présenter, à critiquer, à se mettre en valeur, à travailler dans un temps imparti (même s’il se compte en année). On rédige des publications scientifiques, on prépare des cours intéressants ou des communications, on participe à des colloques… Enfin, je ne compte plus les nombreuses compétences que l’on acquiert en diplomatie, en communication, en pédagogie, en langues, en rédaction, en organisation ou en autonomie…
Un statut « bâtard », le c** entre deux chaises…
Le doctorant est entre l’étudiant et le professionnel, selon ce qui arrange les autres, mais rarement nous-mêmes. De manière générale, on est bien vus par les étudiants et bien souvent, ce sont les doctorants qui dispensent les TD et donc les plus proches des étudiants. Par les profs, ça dépend. Certains nous aident et nous encouragent, d’autres nous méprisent plus et nous rappelle constamment les rapports hiérarchiques.
Pour la société, ça dépend aussi, certains vont être impressionnés, d’autres non, l’image de l’éternel-étudiant étant assez présente. Il y a aussi ce problème franco-français qui veut que pour la société un docteur est un médecin et il y a une non-reconnaissance de notre titre après la soutenance du fait qu’on ne soit pas médecin. Les doctorats en SHS sont généralement plus méprisés.
Quelles sont les qualités requises pour faire une thèse ?
En vrai, la motivation et la passion. Ce sont les deux qualités primordiales pour faire une thèse. Sans motivation ou passion, faire une thèse, d’autant plus en SHS où la moyenne est de 5 ans, c’est compliqué.
Il faut vraiment de la ténacité pour tenir sur le long terme. Il faut savoir rebondir, savoir faire face à l’ennui ou la lassitude (surtout en fin de thèse) et savoir affirmer ses opinions. La clé est aussi dans la communication régulière que l’on entretien avec son directeur. Il ne faut pas avoir peur de lui exprimer son ressenti.
Et plus de la ténacité, je dirais la témérité. C’est dur de se lancer et encore plus de continuer en assumant ses choix. Faire une thèse en histoire requiert beaucoup de confiance en soi et de volonté. Il faut savoir dès le départ où l’on met les pieds et avoir une ligne de conduite solide. Le tout en gardant un esprit conscient des enjeux professionnels.
Combien de temps dure une thèse ?
Les thèses en Sciences Humaines sont longues. Il y a un long travail de collecte de données et de documentation (archives, ouvrages, travail de terrain, sources anciennes, documentation visuelle, etc.), puis de traitement des données et enfin de rédaction, avec souvent plusieurs centaines de pages de rédaction et de même pour les annexes.
Une thèse normale en Histoire de l’art se déroule en 5 ou 6 ans. La rédaction fait 300 à 350 pages accompagnée de 2 à 4 volumes d’annexes de 50 à 200 pages en moyenne…
Dans le même temps, beaucoup de doctorants en SHS ont un travail alimentaire à côté et/ou donnent des cours.
Comment surpasser l’envi d’abandonner ?

Quand on est en thèse, on a souvent envie d’abandonner. Une thèse est ponctuée de moments de haut et de moments de bas. Lors de ces moments, on a souvent envie d’arrêter. C’est tout à fait normal. C’est toujours un moment de remise en question et pas forcément dans le mauvais sens du terme.
Lorsqu’on s’interroge sur le sens de son travail, c’est bon signe. Cela permet de revoir nos attentes, de faire le tri dans nos hypothèses, de faire le point, de ranger ses dossiers ou de prendre la décision d’arrêter.
La réorientation n’est pas un échec…
Quand ça arrive, il faut en parler. On appelle une amie, on contacte son directeur de recherche, ses proches. C’est mieux de ne pas rester avec sa frustration ou son blocage. Un soutien est primordial pour prendre de bonnes décisions. Et dans tous les cas, une réorientation n’est jamais un échec pour moi. Au contraire, cela permet de faire des ajustements bénéfiques pour ses projets.
Quel est le rôle du directeur de recherche ?
C’est la personne qui t’encadre pendant ta thèse : il est là pour te guider, t’aider, relire, orienter, etc. Il est important de bien le ou la choisir. Son domaine d’expertise a de l’importance, tout comme sa réputation.
Dès le début, la réputation de ton établissement et de ton directeur de recherche influence tes chances de décrocher un poste. Il faut donc penser stratégique, car tu peux bénéficier de son réseau, de son aura, de sa notoriété… Au début de la thèse, tu essaies surtout de te faire connaître en mettant d’abord en avant ton directeur/ta directrice…
Après, la réputation ne doit pas être la seule raison pour le choix d’un directeur/d’une directrice : il faut également bien s’entendre avec lui/elle. Il ne faut pas oublier qu’on va travailler pendant de longues années avec cette personne.
A quoi sert l’école doctorale ?
C’est le côté administratif pur et dur du doctorat. En théorie, l’ED est censée accompagner les doctorants sur les questions administratives, dans les faits, il faut les harceler, voire se déplacer, pour avoir une réponse. Est-ce vrai pour toutes les écoles… cet avis n’engage que moi. Honnêtement, l’école doctorale est surtout là pour encadrer les inscriptions, les demandes de financement, les procédures en n’en plus finir et les demandes de soutenance…
Autrement, elle valide ou non les demandes de soutenance et l’obtention des crédits doctoraux. Et oui… pour pouvoir soutenir il faut valider 60 crédits en formations doctorales, communications à des colloques ou publications d’articles… Heureusement, l’obtention de ces crédits devient plus souple. En général, on échange le plus avec son ED au moment de déposer sa thèse. Je recommanderai aussi les associations de doctorants locales pour s’y retrouver…
Le moment de la soutenance entre soulagement et inquiétudes
Que d’émotions, quand c’est ton moment ! Quelle histoire !

La soutenance, c’est « LE moment » : celui de la fin de plusieurs années de thèse, celui de la fin des études, celui de la consécration en tant que docteur.e. C’est chargée en émotions. Avant, c’est surtout stressant et très long. On ne sait pas vraiment à quoi s’attendre, l’attente est pesante et ça fait peur. On passe son temps à perfectionner son discours qui doit résumer 5 ans de travaux en 30 à 40 minutes. La plupart du temps, on est prêt, même sans le savoir.
Déposé son manuscrit, souffler, et attendre les avis des rapporteurs
Le plus important, selon moi, est d’avoir réglé les nombreux détails administratifs en mettant à contribution votre directeur de recherche et l’ED. Une fois que la thèse est déposée que la date de soutenance est fixée, on souffle, on relie gentiment son manuscrit. Un mois avant la soutenance, on reçoit généralement deux premiers avis des rapporteurs. Ceux-ci vous donneront une idée de ce à quoi s’attendre pour composer votre discours.
Dans tous les cas, si la soutenance est envisagée et validée par le directeur, c’est à moitié-gagné. Le reste est une affaire de confiance en soi, de gestion du stress habituelle et de préparation mentale (et un peu physique). C’est votre travail, c’est votre thèse, quoi que les juges en disent. C’est un moment de discussion qui est plaisant. On récolte pas mal de louanges qui font parfois passer les critiques au second plan.
Quand c’est l’heure…
Votre discours a été relu par votre directeur et par vos proches. Vous vous êtes entraîné une bonne trentaine de fois. Vous avez noté des questions envisageables avec des réponses… Votre argumentaire est prêt. C’est parti !
Une fois dans la soutenance, on est lancé, et c’est un moment riche et finalement très beau. On maîtrise son sujet, on le sait, on joue sur notre terrain. Une fois posée, on parvient à argumenter et à soutenir notre travail. Et même à distance, cela reste un moment unique d’échanges, de discussions et parfois d’ouverture sur d’autres projets.
En revanche, une soutenance en Histoire de l’art, c’est long, voire très long. Ma soutenance de thèse a duré 4h15 environ entrecoupée d’une petite pause… C’est un exercice éprouvant qui demande beaucoup d’énergie. Il faut penser à bien manger et ne pas hésiter à boire (au bon moment) au cours de la soutenance. Et quand c’est fini, on est à la fois sonné.e, vidé.e, ému.e, légé.e… il ne reste qu’à profiter du pot que l’on aura organisé pour ses proches et le jury.
Alors, doctorat ou pas doctorat pour vous ?
👉 Venez raconter votre soutenance ou votre doctorat sur les réseaux ! On discute ensemble de vos expériences sur Instagram, Twitter, Facebook ou Pinterest. A très vite !
Cet article a été rédigé en collaboration avec Flore Lerosier qui est docteure en Histoire de l’art et Archéologie de l’Université de Tours. Elle a bien voulu me raconter son expérience de la thèse dans une interview. Merci à elle !
👉 Pour en savoir plus : « Vivre d’une thèse en histoire de l’art : rêves vs réalité«
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